Pulpe N°6 - Automne 2019
Raclette du Valais AOP 8 D ans les alpages au-dessus de Verbier sur les pentes de Savoleyres, court une légende : le Bagnes 1, produit à la Laiterie du village serait de loin le meilleur des fromages à raclette. La raison? Roger Dubosson, maître fro- mager, est unchanteurhors pairet ses vocalises auraient un effet bénéfique sur la fabrication de ses meules. Il est vrai que l’anecdote sort de la bouche d’un de ses compagnons de chorale. Alors, on a voulu goûter pour se faire notre propre idée. Eh bien, on a adoré ce petit goût à la fois lactique, beurré et végétal. On a même fondu en dégustant le ra- clette à la truffe, créé par Marc, le fils de Roger. Si ce dernier ne bénéficie par du label AOP en raison de la présence de brisures de «diamant noir», lamajorité de la production de la laiterie des Dubosson est labellisée. Rituel immuable Le rituel de fabrication est immuable. Tout commence à l’aube par la ré- ception du lait, ce fameux or blanc imprégné du parfum des herbages de la région. Roger Dubosson est intraitable sur la qualité de cette matière première dont il prélève quelques échantillons pour l’analyse: «Il m’arrive de pousser des gueulées si je ne suis pas content. » Mais revenons à la fabrication du fameux Raclette du Valais AOP. Si le tour de main du fromager a son importance, c’est aussi l’herbage offert aux vaches qui en fera varier le goût d’une fromagerie à l’autre. Le lait d’été est plus riche en oméga 3 et en acide oléique. Le précieux liquide rejoint de grandes cuves encuivre. Chauffé tout doucement et remué constamment, il est ensuite ensemencé avec des bactéries lactiques. On y ajoute de la présure pour obtenir une consis- tance gélatineuse. Au bout de 30-35 minutes, le tranche-caillé entre en scène pour séparer le caillé du petit lait. Le mélange est porté à 38°C. Le fromagersurveillecetteétapecomme le lait sur le feu pour s’assurer de la consistance optimale de son caillé qu’il transvasera dans des moules à fromage perforés. Intervient le pressage. Durant cettephase, lesmeulessont retournées deux fois. Unemarque de caséine est apposée sur la surface. C’est la carte d’identité du fromage. On peut y lire le numéro de la fromagerie, le nom du fromage et la date de production. Durant l’égouttage, la courbedu pHdoit être surveillée attentivement et doit idéalement se terminervers 5.2 afin de garantir une bonne aptitude au raclage. A l’issue du pressage, les meules sont plongées dans un bain de saumure avant de rejoindre les caves pour l’affinage. Direction Sierre Marcel Zürcher n’est jamais très loin. Responsable achats fromages AOP pour Cremo à Sierre, il rend visite régulièrement à ses produc- teurs au nombre de 13 dans tout le Valais. Son outil de prédilection ? La sonde à fromage qui lui permet de tester la qualité des meules. Ses carottages sont sans appel : « Je peux voir tous les défauts, s’il y a trop de trous par exemple qui pourraient évoquer une possible contamination ou des lainures qui rendent impossible le conditionne- ment en tranche. La pâte ne doit pas être cassante et afficher une consistance de beurre lorsqu’on la presse entre les doigts. » Lors de l’évaluation des fromages par la commission de taxation de l’Interprofession du Raclette, 20 points au maximum sont attribués à chaque lot selon quatre critères : le visuel, l’ouverture ( trous ), la pâte et le goût. Heureusement, les 98 % des pièces obtiennent les 18 points nécessaires pour l’obtention de l’AOP. Les 2 % qui ne passent pas la rampe finiront dans des mélanges à fondue ou pour la fonte et la transformation en pâte à tartiner. Marcel Zürcher va chercher les fromages chez ses fournisseurs pour en terminer l’affinage à Sierre. Dans les caves de Cremo, à fin juillet, 90 000 pièces attendent de rejoindre l’étal entières, en de- mi-meules ou coupées en portions. Bichonnées au quotidien, elles afficheront en magasin la marque Valdor, symbole d’authenticité et de qualité. « IL M’ARRIVE DE POUSSER DES GUEULÉES SI JE NE SUIS PAS CONTENT. » Roger Dubosson
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