Pulpe N°4 - Automne 2018

53 Au cœur de l’été, la croissance des cucurbitacées est vertigineuse. Elle peut atteindre 2 cm par jour, voire plus. La récolte a débuté le 21 juin et s’est poursuivie durant deux mois, soit un mois de moins qu’espéré. Edouard Cosandey aura livré au final 30 des 430 tonnes de cornichons et concombres suisses engrangées par la conserverie d’Aigle cette année. « Il a fait trop beau et trop chaud, explique le cultivateur. Nous n’arrivions plus à suivre au niveau de la cueillette et avons dû mettre au compost 20 tonnes qui ne correspondaient pas aux calibres recherchés. Ce serait un plus si des pistes pouvaient être étudiées à l’avenir pour recycler les spécimens trop gros. » Pas découragé, Edouard Co- sandey compte bien s’y remettre l’an prochain après un premier essai en 2017 qui avait tourné court à cause de la grêle. «Notre mode de culture s’est avéré efficace. Nous avons opté pour des plantons en lieu et placedes semis. Grâce à un systèmed’irrigation au goutte à goutte piloté par une sonde qui analyse les besoins en eau, nous avons pu éviter l’aspersion du feuillage et, du même coup, les maladies telles que le mildiou et l’oïdium. Le problème cette année, c’est que tout est allé trop vite. » Chez Reitzel à Aigle, on juge le bilan de la saison 2018 réjouissant avec des fruits presque parfaits. L’entreprise aiglonne est la seule du marché à proposer des cornichons et concombres suisses labellisés HUGO depuis 2017, en hommage au pré- nomdu fondateur de la conserverie d’Aigle. Ceux-ci sont cultivés par 12 maraîchers répartis entre la Suisse alémanique et la Suisse romande. En 2016, seuls 10% des besoins annuels encornichons/concombresdeReitzel étaient couverts par la production indigène. Cette part est passée à 16% en 2017 avec 400 tonnes produites par les agriculteurs helvétiques et intégralement achetées par Reitzel. Elle progresse donc encore légère- ment cette année. Mise en bocaux Après la récolte, les cornichons et concombres sont livrés tous les jours par camion à la conserverie Reitzel à Aigle. Les petits calibres ( 3-6 cm) rejoignent les bocaux de cornichons, les gros ( 6-12 cm) sont proposés comme concombres. Les cucurbitacées subissent un premier tri à l’extérieur avant de faire leur entrée dans l’usine. Première étape : le lavage à l’eau froide, puis à l’eau chaude. C’est ensuite au tour des trieuses d’entrer en scène. Chaque spécimen doit être parfait, et, surtout, aucun intrus n’est toléré. Les corps étrangers sont soigneusement éliminés, de même que les cornichons non conformes aux exigences de Reitzel de par leurs formes notamment. Après cette étape, il est temps de passer à lamise en bocaux. Ceux- ci sont préalablement lavés avant de recevoir un mélange d’épices et d’oignons déshydratés dont la recette et le dosage sont tenus se- crets. Le remplissage des bocaux se déroule automatiquement. Chaque contenant reçoit un grammage précis de cornichons et le jutage au vinaigre s’opère en deux temps. L’air présent dans les bocaux est aspiré et cède sa place au vinaigre, suisse évidemment. Pasteurisation Pour assurer unebonne conservation, les bocaux, munis de leurs couvercles, sont pasteurisés à 92°C durant 15 à 20 minutes et rapidement refroidis. Il faudra encore les étiqueter et les mettre en cartons. L’ensemble du processus aura duré 45 minutes. Il ne reste plus qu’à savourer ces condiments 100% suisses, croquants, craquants et au goût incomparable avec une bonne raclette ou une assiette valaisanne ! L e cornichon figure à l’inventaire du Patri- moine culinaire suisse. Dans l’Encyclopédie d’Yverdon (1770-1776), on apprend que les cornichons étaient parfois plantés entre les rangées de cardons. Les cornichons au vinaigre sont connus aumoins à partir du début du ⅩⅠⅩ e siècle dans les ménages romands. Dans le canton de Vaud, on trouve quelques recettes manuscrites de cette époque. Dès la seconde moitié du ⅩⅠⅩ e , apparaissent les premières productions industrielles de cornichons et autres légumes au vinaigre. Le conditionnement industriel s’intensifie notamment à partir des années 1950, lors- qu’on introduit la technique de la pasteurisation qui permet une conservationplus longue. Jusqu’aux années 1970, la production suisse suffisait à satisfaire la demande du marché interne. Par la suite, la culture de cornichons en Suisse a diminué sensiblement au point de quasiment disparaître. Grâce à Reitzel, cette culture a pu être maintenue dans notre pays. AU PATRIMOINE CULINAIRE SUISSE Cornichon suisse Source: Patrimoine culinaire suisse.

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