Pulpe N°4 - Automne 2018

16 L a frontière française est à 300 mètres et le premier supermarché de l’Hexa- gone à peine à 1 kilomètre. Plus d’un artisan boucher aurait été d’emblée découragé d’ouvrir un commerce de viande dans la petite commune de Boncourt. Pas Alain Gatherat ! Cela fait 23 ans qu’il sert les amateurs de viande de la région qui ne viennent pas forcément tous de Suisse. «Pas mal de Français se fournissent chez nous, confie l’épouse du boucher. Ils adorent le boudin et la gelée.» En ce matin brumeux de sep- tembre, dans le laboratoire attenant au magasin, les employés s’affairent à découper un bison, abattu lematin même à la carabine par le patron en personne. La bête sera ensuite envoyée en morceaux à un client de Genève. Si la seule boucherie du village est encoreouverte–malgré laconcur- rencefrançaise–c’estque les chalands apprécient son travail artisanal et qu’ils s’y retrouvent financièrement. La viande y est vendue moins chère que dans la grande distribution en Suisse. Et l’on y trouve des produits uniques, comme le gibier sauvage chassé en Alsace. Et, bien sûr, la fa- meuse saucissed’Ajoie IGP(Indication géographique protégée ). Du porc 100% suisse AlainGatherat enproduit 3 à 4 tonnes par an avec un pic en novembre pour la Saint-Martin. Sa recette? Elle est conforme au cahier des charges de l’IGP avec un soupçon de mélange d’épices secret et un fumage au bois de cerisier. Pour réaliser la fameuse saucisse, il convient de mélanger deux tiers de viande maigre de porc et un tiers de lard de dos. Le porc doit impérative- ment provenir d’élevages suisses. Le mélange de viande est haché puis assaisonné avec du sel et différentes épices. L’ajout de cumin est obliga- toire. Il donne sa typicité à la Saucisse d’Ajoie IGPqui ne peut être produite que dans le district de Porrentruy. Après avoir été soigneusement pétrie, la masse est embossée dans un boyau de porc qui est noué aux extrémités et portionné par rotation. Puis intervient l’étapede la rubé- faction. Les saucisses sont rangées sur desbarresmétalliques.Elledemeureront à l’air libre 24 heures afin de garantir une belle couleur rosée à la cuisson. Le fumage est réalisé exclusive- ment à partir de bois, de copeaux ou de sciure de résineux, ce qui confère à cette charcuterie traditionnelle une odeur typique et naturelle de fumée. Il dure une nuit à un jour en fonction de la météo. Grâce à la guerre Selon le Patrimoine culinaire suisse , la renommée de la Saucisse d’Ajoie remonterait à la Première puis à la Seconde Guerremondiale. De nom- breux soldats venus des quatre coins du pays stationnaient à l’époque en Ajoie. Dans les années 1920, un groupe de bouchers ajoulots – s’inspirant des voisins français qui nommaient leurs produits en fonction de leur provenance – dé- cide de baptiser Saucisse d’Ajoie ce qui était alors nommé «saucisse de ménage ». Depuis 1967, ce produit du terroir bénéficie d’une protec- tion au niveau européen, grâce à des traités bilatéraux établis avec plusieurs pays de l’actuelle Union européenne. Face au succès tou- jours croissant de cette saucisse, les bouchers ajoulots décident dans les années 1970 de déposer une marque collective à l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle à Berne ( 12 mars 1979 ). La Saucisse d’Ajoie est enfin reconnue comme IGP depuis 2002. 50000à60000kilosdeSaucisse d’AjoieIGPsontproduitschaqueannée par une dizaine de producteurs. La plupart de ces goûteuses saucis- ses sont commercialisées dans les boucheries ajoulotes. On en trouve aussi dans les grandes surfaces et une partiede laproductionest également exportée vers d’autres cantons. Sources: Patrimoine culinaire suisse, www.aop-igp.ch Saucisse d’Ajoie

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